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15 janvier 2011

Les aventures d’Ersatz, Kitsch & Artefact au pays des fleurs

Maurice et Léa sont de retour dans leur jardinerie dominicale, grisés du même bonheur que lors de retrouvailles avec la mer, la montagne ou la vue sur Ivrea débarrassée de son artefact gravé dans les mémoires, à commencer par celle de Stendhal.
Combien de dimanches depuis leur dernière visite ? Maurice est étourdi par les parfums, Léa par les couleurs. Cet ersatz de nature n’a rien perdu de ses sortilèges. Comme naguère, la dimension kitsch ne les regarde pas. Plus encore que la virtualité de ces prémices, les intéresse, Maurice surtout, la richesse de ce catalogue pour de vrai.
Léa revint vers Robert Walser, se proposant de le confronter à ces paysages en toc. Il répondit du tac au tac.
— « Alerte comme il convient à un valeureux marcheur et piéton, j’avançais avec entrain, sans trop me soucier de certains détails qui surgissaient chacun à sa manière, tantôt discrètement, tantôt abruptement, mais je m’attachais sans cesse, avec une confiance familière, au spectacle réconfortant du grand tout circulaire qui, figuré ici et là, fluctuait, scintillait loin à la ronde. Qui se déplace dans le vaste monde ne doit prendre en considération que ce qui est vaste, et ne diriger ses pensées et ses regards que vers ce qui est grand, libérateur, émouvant. Ce qui est petit, menu, doit traverser comme d’un léger coup d’aile le regard qui embrasse le bienveillant tout, bien que chaque apparence, chaque fétu méritent notre attention, en tant que tels. »

— « C’est sur cette hauteur que je me promenais, marchant à ses côtés, avec une femme que je n’avais pas revue depuis plusieurs années, et vers laquelle à nouveau je m’étais senti attiré. Passant devant de gaies petites gloriettes nichées sous les sapins et les feuillus, nous montions à pas lents vers la forêt en suivant un clair chemin. De temps en temps, j’épiais quelques signes d’aménité sur le beau mais froid visage de la femme, sans y déceler toutefois la moindre nuance de sympathie. Son visage restait morose, presque renfrogné, et ne témoignait aucune joie au gracieux spectacle de la nature. Aussi charmante qu’indifférente, elle cheminait à côté de moi et en répondait qu’à contrecœur et avec mauvaise humeur, ou même pas du tout, à tout ce que je lui proposais. »
— Dis, Maurice, crois-tu que cette femme a changé, ou est-ce l’éloignement dans le temps qui en avait modifié la perception, en l’idéalisant, ou ne l’a-t-il jamais aimé parce que si mal aimable ?
— La troisième solution, parce que si mal aimable.
Léa s’étonne de la sûreté de la réponse de Maurice. Elle marque une pause en le regardant jouer avec Ristourne, et poursuit sa lecture en silence.
« — Vous êtes fâchée, osai-je lui dire.
— Cela pourrait-il seulement vous blesser ? J’ai de la peine à le croire, car vous m’avez oubliée depuis longtemps. Plaisant de se revoir, n’est-ce pas ? »