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16 octobre 2010

Des temps aussitôt plus sombres (ou Le cours du livre sur les marchés)

— « Růžena, j’ai vendu le livre que nous avons lu ensemble pour m’acheter du faux pâté de foie, nous allons le partager Thomas et moi. Ce ne sera pas un partage équitable, parce que Thomas n’aura que la croûte, mais reconnais que Thomas peut s’élancer sur les arbres pour chasser un oisillon ou bien aller flairer un trou de souris. Pardonne-moi, Růžena, d’avoir vendu ton livre. Il y avait dedans des mots qui te plaisaient, il y avait une phrase que tu aimais. Nous tournions impatiemment les pages, nous avions peur que la fin soit trop proche, et pourtant nous nous en réjouissions, nous étions alors à la campagne, au chalet, nous ne pouvions pas sortir parce que dehors il pleuvait à verse et nous lisions ensemble, tu étais toujours quelques lignes en retard
sur moi, mais j’attendais toujours afin que nous tournions ensemble la page. »
— Attends-moi Léa.

Ristourne se doute-t-il qu’il fut Thomas dans un livre ?
Ristourne ne se doute de rien, il dort, il a mangé, il est bien au chaud, il est chat.
Léa pense au syndic. Il n’a toujours pas rapporté le livre. Un sursis ? De là à sacrifier le livre d’Emmanuel Bove. Voudrait-il maintenant se payer livre après livre, goutte à goutte ? non pour se rembourser — il n’ignore pas le prix des livres au poids — mais en appuyant là où ça fait mal.
Léa ne supporte pas que le syndic s’installe au cœur de cette lecture. Le chat s’en effraie.
— Si nous sortions.
— Il pleut.
— Parce qu’il pleut, justement.
— On ferme à clef ?